A l’occasion du congrès “Heureux les sobres…” sur l’écologie intégrale, organisé par le Cèdre en 2016, quelques moines et moniales nous ont partagé une préoccupation : “Que faire pour favoriser une meilleure alimentation dans les communautés religieuses ?”. En effet, la question de la qualité de l’alimentation revient de plus en plus régulièrement dans les abbayes et monastères…
Pour répondre à ce questionnement et poursuivre notre engagement lié à l’écologie intégrale, nous avons décidé de bâtir un projet de rencontre sur cette thématique en nous inspirant des travaux de Sainte Hildegarde [1] sur la santé et la nutrition. Ainsi est née cette rencontre, en étroite collaboration avec les sœurs de l’abbaye Sainte Marie de Rieunette. Cette communauté de cisterciennes de l’Aude, qui a reçu le trophée du coup de cœur du Cèdre à l’occasion des 1ères victoires de l’écologie intégrale en 2016, est en effet en marche sur le chemin de l’écologie intégrale. Les six sœurs que compte ce petit prieuré ont développé la production de produits cosmétiques biologiques (artisanat monastique sous la marque Couleur Ciel), un jardin de simples et un jardin potager.
Les 6 et 7 septembre derniers, la rencontre de Ste Hildegarde a rassemblé une quarantaine de moines, moniales et religieux du Sud de la France, ainsi que quelques collaborateurs du Cèdre, avec l’objectif de découvrir la nutrition selon Sainte Hildegarde et, également, d’insister sur la place des jardins de simples (ou jardins médicinaux) et des potagers dans les abbayes et monastères.
Pour avoir un petit aperçu de cette rencontre très riche, découvrez la vidéo ci-dessous !
Concrètement, la rencontre s’est articulée autour de 4 ateliers sur deux demi-journées consécutives.
• En introduction de la rencontre, Fabien Revol, philosophe et théologien, titulaire de la Chaire Jean Bastaire à l’université catholique de Lyon, nous a présenté l’anthropologie selon Sainte Hildegarde, précisant la place de l’Homme dans le cosmos et en relation avec Dieu. A son écoute, nous avons pu mesurer combien Sainte Hildegarde (Docteur de l’Eglise depuis 2012) était en phase avec l’encyclique “Laudato Si” publiée plus de 800 ans après sa mort !
• Dans un deuxième temps, Marie-France et Claude Delpech nous ont partagé avec passion et précisions les vertus de certains légumes (fenouil, betterave, céleri, pois chiches, haricots… ), fruits (châtaignes, cerises, amandes, poires…), épices (curcuma, galanga…) et autres plantes aromatiques.
• Claude Delpech nous a crédité d’un focus particulier sur l’épeautre [2] qui, selon Ste Hildegarde, “est la meilleure des céréales. Il réchauffe et lubrifie, il est léger et possède une haute valeur nutritive… il fournit un sang de qualité et rend joyeux”… entre autres vertus ! Depuis le XIIème siècle, nous avons découvert qu’il contient à lui seul 65 éléments bénéfiques (oligo-éléments, fer, cuivre, zinc, magnésium…), dont 8 acides aminés essentiels (que le corps ne synthétise pas lui-même) qui entrent dans la composition de toutes les cellules et deux ingrédients particuliers : le thyocianate (un antibiotique naturel) et un précurseur de la sérotonine (action sur la bonne humeur !).
• Ensuite le docteur Marie-Cécile Fonlupt nous a éclairés sur l’approche “holistique” de la médecine inspirée par Ste Hildegarde. Dans ce sens, la conférencière a commencé par nous parler des 5 piliers de la santé selon Ste Hildegarde : la louange, l’alimentation, l’hygiène, la détoxification et les remèdes, avant de nous les détailler. Quelques exemples : pour une hygiène saine, elle propose de pratiquer les arts, d’éveiller les sens au contact de la nature, de ne pas faire de sieste juste après le repas et d’avoir un sommeil équilibré qui respecte le rythme de la nature ; pour la détoxification, elle recommande de faire de l’exercice physique, de jeûner, de pratiquer des massages et la moxibustion… Finalement tout est vraiment lié !
Nous avons terminé cette rencontre par trois visites sur place : le potager du monastère, le jardin des simples (plantes médicinales et aromatiques) et le laboratoire de fabrication des baumes et autres produits cosmétiques bio à base d’huiles essentielles.
Pour rythmer ces journées, outre les beaux offices partagés avec nos hôtes, nous avons dégusté d’excellents repas, réalisés en collaboration avec une société de restauration référencée au Cèdre et qui s’est pliée au jeu des recettes “hildegardiennes”. Et tout cela dans un cadre magnifique au cœur du cloître, exceptionnellement ouvert pour cette rencontre !
Tous les participants repartent motivés et enthousiastes, avec l’envie d’aller plus loin :
« J’ai été marquée par l’unité que fait Ste Hildegarde entre le corps, l’âme et l’esprit… Et concrètement, cela m’a apporté pour faire évoluer ma façon de cuisiner. » Sœur Claire de Rieunette ;
« On voit qu’il y a plein de choses à creuser ! » Père Hubert – Monastère Sainte Marie de la Garde ;
« J’ai été marquée par le lien très fort entre l’homme et l’univers… Je suis sûre que nous allons changer le menu de notre petit déjeuner ! Nous sommes contentes aussi d’avoir vécu cette convivialité avec le Cèdre et les autres communautés.» Sœur Marie-Lys de Rieunette ;
« Je suis très heureux. J’ai touché du doigt la vision globale de Ste Hildegarde… J’ai bien aimé l’accueil et les biscuits de la joie ! Je reviens dans ma communauté avec l’envie de l’aider à entrer encore plus dans la démarche d’écologie intégrale. » Frère Emmanuel-Marie de l’Abbaye de Maylis ;
« La pensée de Ste Hildegarde est en grande cohérence avec la vie monastique ; nous sommes donc bien placés pour l’appliquer et la transmettre. » Frère Cyril – Prémontré ;
« Ce qui est très intéressant, c’est que tout est relié, alors qu’on a tendance à tout cloisonner, entre la santé et la nourriture… Je repars très contente et j’espère que la communauté voudra suivre ! » Sœur Marie-Bénédicte – Carmel de Vinca.
En bref, le chemin de l’écologie intégrale continue, et pas après pas nous avançons !
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[1] Sainte Hildegarde (1098 – 1179), religieuse Bénédictine – Initiée à l’art de la médecine antique très jeune, puisqu’elle était dans une abbaye qui servait d’hôpital, Sainte Hildegarde de Bingen a apporté de nombreux soins à des malades. Elle a livré ses connaissances sur ce qui est bon dans la nature, particulièrement dans le cadre de l’alimentation, en vue de préserver l’unité “corps – âme – esprit”. Ainsi, l’homme, en tant que gardien de la nature, doit savoir se servir, pour son propre équilibre, de ce qu’elle offre, tout en respectant la maison commune.
[2] Petit épeautre ou grand épeautre non hybridé.